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ACTUALITES SCIENTIFIQUES

 

Journée d’étude annuelle Marguerite Duras

"Les couples littéraires de Marguerite Duras"

Vendredi 8 décembre 2023

(Appel à communications)

Université de Lille (ALITHILA) - Maison de la recherche

Société internationale Marguerite-Duras

Dans l’entretien qu’elle accorda à Suzanne Horer et Jeanne Socquet en 1973, Marguerite Duras déclara avoir été « ensevelie sous les conseils des hommes qui [l]’entouraient ». On est alors en plein Mouvement de Libération des Femmes qui est vécu, par Duras, comme un moment de rupture et de transformation de son rapport au couple. Car elle a plutôt, jusque-là, vécu sa carrière littéraire dans une forme, plus ou moins classique, de conjugalité : avec Robert Antelme (1936-1942), Dionys Mascolo (1943-1956), puis Gérard Jarlot (1957-1963). À tel point que les relations amoureuses de Duras – ou l’absence de celles-ci – pourraient servir à penser certaines bornes de son œuvre littéraire et cinématographique.

 

En 1997, Colin Davis s’étonnait du peu d’attention critique suscitée par le dialogue entre L’Espèce humaine et La Douleur, avant de revenir sur la critique de l’humanisme d’Antelme à laquelle s’était livrée Duras dans son recueil de 1985. Près de 20 ans plus tard, le constat reste inchangé : les collaborations de Duras avec ses conjoints restent, à l’exception de la période « Yann Andréa », assez peu étudiées. Ces relations ont pourtant donné lieu à des entreprises communes qui mériteraient autant d’études approfondies, qu’il s’agisse des éditions de la Cité Universelle créées par Duras et Antelme en 1945, de la participation de Duras à la revue Le 14 juillet fondée par Dionys Mascolo en 1958 ou bien des adaptations et scénarios co-écrits avec Gérard Jarlot.

 

Cette journée d’étude propose donc d’examiner avec la sociologie du genre et de la littérature, la médiatisation/dissimulation par Duras de ses couples littéraires ; avec la poétique, les dialogues à l’œuvre entre les écrits de Duras et ceux d’Antelme, Mascolo, Jarlot et Andréa, et/ou avec la génétique, les traces manuscrites, encore inexplorées à l’IMEC, de ces collaborations duelles.

 

Ce faisant, il ne s’agit nullement de contribuer à « l’assignation à “résidence sexuée” des femmes » en ramenant l’œuvre de Duras à la plate influence des hommes avec lesquels elle a partagé sa vie, mais bien d’interroger l’œuvre durassienne à l’aune de cette institution du couple d’écrivains qui a reconfiguré l’espace intellectuel d’après-guerre. Il y a derrière le couple littéraire bien davantage qu’un simple voyeurisme racoleur ou un autobiographisme démodé, mais bien une collaboration aux enjeux spécifiques.

 

Différents axes d’étude pourront être envisagés, sans exclusivité :

— les œuvres littéraires et cinématographiques écrites en collaboration ;

— les dialogues intertextuels entre les œuvres de Duras et celles d’Antelme, Mascolo, Jarlot et Andréa ;

— le fonctionnement des relectures réciproques au sein des couples littéraires de Duras ;

— les stratégies de médiatisation ou d’invisibilisation du couple au sein des péri- et paratextes durassiens ;

— les formes d’entremise littéraire réciproque au sein des couples littéraires de Duras ;

— les enjeux sociologiques, poétiques et stylistiques de la transposition fictionnelle du couple dans l’œuvre de Duras ;

— la pensée durassienne du couple telle qu’elle figure explicitement dans ses essais ou implicitement dans ses œuvres littéraires et cinématographiques.

Les propositions de communications (un titre et un résumé), avec une courte bio-bibliographie, ainsi que toutes les demandes de renseignements concernant la journée, sont à adresser à Florence de Chalonge (florence.de-chalonge@univ-lille.fr) et Esther Demoulin (esther.demoulin@fabula.org) avant le 30 juin 2023.

Appel à contributions : "Marguerite Duras et la culture populaire"

Gagner l’estime des élites intellectuelles et être lu par le plus grand nombre. Rares sont les écrivains qui ont osé tenir ce pari sans s’y brûler les ailes. Si Marguerite Duras a longtemps souffert d’une réputation ambiguë, ce n’était pas sans lien avec cette ambition : on lui a suffisamment reproché ses interventions publiques, que d’aucuns jugeaient indignes d’un grand écrivain. Pourtant, dans le monde hypermédiatique qui est le nôtre, plus de 25 ans après la disparition de l’écrivaine, l’on peut se demander si elle n’a pas joué un rôle de précurseur, en assumant les influences populaires et en consentant à entrer de plain-pied dans la culture de masse, bâtissant au fil du temps un personnage public qui a, le succès croissant, fait grincer de plus en plus de dents.

Faisant fi des bienséances prêtées au métier d’écrire, Duras a tenu chronique dans l’émission de télévision Dim dam dom dans les années 1960, s’est rendue dans des usines pour lire des poèmes d’Henri Michaux à des ouvriers, s’est plu à interroger des enfants sur toutes sortes de sujet, a pris part à de grands débats de société dans les journaux comme sur les plateaux de télévision. Il s’agissait pour elle de briser les cloisons qui opposent traditionnellement culture d’élite et culture populaire. Touche-à-tout, Duras faisait œuvre de tout matériau, à travers des supports de grande diffusion, qui ne correspondaient pourtant pas, à l’époque, aux prescrits de l’art noble qu’est la littérature. Toute la carrière de l’auteur du Camion s’est en effet construite dans l’édification d’une certaine « noblesse de la banalité ».

Très tôt dans sa carrière, Duras s’est emparée des médias – radio et télévision – et déborde rapidement du rôle que l’on prête à l’écrivain. Elle n’a dénigré ni la presse à grand tirage (depuis ses chroniques judiciaires, rééditées en volume dans Outside, jusqu’à L’Été 80), ni le cinéma, ni la télévision, ni le roman-photo (dont elle désirait des adaptations populaires de ses textes), ni la chanson populaire, ni même la publicité. Non contente d’être interrogée en tant que telle, elle aimait à s’arroger le statut d’intervieweuse, qu’elle veillera à endosser tout au long de sa vie, c’est ainsi qu’elle pouvait aussi bien dialoguer avec une prostituée qu’avec l’actrice Jeanne Moreau, avec le président François Mitterrand ou le footballeur Michel Platini. Plus qu’un écrivain, Duras représente une des premières figures publiques qui s’exprime à tout propos, dont notre monde désormais hypermédiatique regorge, ce qui lui a valu de vertes critiques, notamment à l’époque de l’affaire Villemin et de son texte polémique, « Sublime, forcément sublime Christine V. »

Son œuvre s’est nourrie de sa posture publique autant que d’influences que la plupart des aspirants « grands écrivains » cherchent à dissimuler. Ainsi, rares sont ceux qui osent avancer le nom de Delly parmi leurs lectures favorites ou qui pratiquent sans vergogne les genres journalistiques (le fait divers, l’entretien) jusqu’à leur conférer un statut littéraire plein et entier. Du Square jusqu’à La Pluie d’été, Duras s’est montrée à l’écoute de la culture populaire. Son œuvre est empreinte de références à la publicité (« Odorant comme l’Orient »…), aux contes de fée (Lol / Cendrillon, Ernesto / Petit Poucet, etc.), à la bande dessinée (Tintin au Prisu), au cinéma grand public (Chaplin, Tati) ou encore à la chanson, de Ramona à Allô maman bobo, en passant par À la claire fontaine ou Capri c’est fini. La culture populaire représente dans cette œuvre à la fois une source d’inspiration, une référence largement partagée et un filtre : Duras se mesure à la culture populaire au même titre qu’elle se mesure aux géants de la littérature mondiale, Proust, Flaubert, Hemingway, etc. Si elle a pu être considérée comme un auteur difficile, l’on sait aussi qu’elle se désirait grand public, « mondiale » et ancrée dans les codes les plus largement partagés, y compris et surtout par la jeunesse, cette première consommatrice de culture populaire, à laquelle Duras accordait toute son attention.

Il ne faut dès lors pas s’étonner si sa personne et son œuvre sont, depuis une quarantaine d’années, le sujet de nombreuses récupérations dans la culture populaire. À l’instar de Rimbaud, Duras est devenue une icône : si le merchandising durassien n’est pas aussi développé que celui de l’auteur d’Une saison en enfer, le personnage de Duras n’en occupe pas moins une place de premier plan dans l’imaginaire populaire, du timbre-poste jusqu’à l’argument touristique au Vietnam et au Cambodge.

Pastichée depuis les années 1970 (d’abord par Patrick Rambaud, dont on se souvient des Virginie Q. et autres Mururoa mon amour), ridiculisée par Thierry Le Luron dans un sketch (« Marguerite Duras n’a pas écrit que des conneries, elle en a aussi filmées »), caricaturée par Karl Zéro ou José Garcia dans les années 1990, Duras est devenue un personnage que l’on peut mettre à toutes les sauces, dans cette « cuisine de Marguerite » qui aura fait couler davantage d’encre que de soupe aux poireaux. Y ont contribué considérablement une série d’attributs dont elle se revendique explicitement : le col roulé et la jupe plissée, les « bagouzes », la cigarette et les larges montures de lunettes. Duras est l’emblème de ce que Jérôme Meizoz appelle la « littérature incarnée » et a tout fait pour s’inscrire comme un personnage dans l’imaginaire populaire, rompant avec la morgue du grand écrivain au profit de la simplicité, voire carrément des ressources du comique (on pense à l’usage des passoires aussi bien qu’à son inimitable rire, qui résonne sur les plateaux de télévision).

En plus de figurer comme personnage dans quelques livres (Yann Andréa, Enrique Vila-Matas, pour ne prendre que les deux plus importants), elle apparaît ainsi dans plusieurs films (Cet Amour-là, J’ai vu tuer Ben Barka, La Douleur, où des actrices aussi différentes que Jeanne Moreau, Josiane Balasko et Mélanie Thierry lui prêtent leurs traits), de même que dans des spectacles qui lui sont consacrés, dans lesquels son personnage tient une place au moins aussi importante que son œuvre littéraire et/ou cinématographique : Le Duras Show de Steeve Dumais et Lucas Joly en 2011 ou, en 2018, Marguerite Duras d’Isabelle Gyselinx, sans compter les mises en scènes de ses entretiens, avec Mitterrand ou avec Platini.

Les créations les plus diverses et les plus largement partagées convoquent son image ou sa voix : le tag (par Miss.Tic au moment du 10e anniversaire de la mort de l’auteur), le one-man-show (« S’il se passe quelque chose… » de Vincent Dedienne), le dessin animé (Smoke on the Daughter dans la série The Simpsons), le clip vidéo (Nos célébrations d’Indochine), la chanson (Hiroshima mon amour de la formation britannique Ultravox ; Les fiancées sont froides du groupe de black metal Glaciation ; ou, bien entendu, le groupe français Indochine à nouveau, qui tient son nom et l’une de ses chansons les plus emblématiques, Trois Nuits par semaine, de l’univers de l’écrivain, en l’occurrence Un barrage contre le Pacifique et L’Amant). Son univers est allé jusqu’à imprégner l’atmosphère d’un jeu vidéo, Bientôt l’été, paru en 2013 (produit par Tale of Tales), fait rarissime pour un écrivain qui n’appartient ni à la sphère de la science-fiction, ni à celle de l’horreur, ni à celle du policier.

Nourrie de poncifs et de clichés auxquels elle a sciemment donné un nouveau souffle, éminemment singulier, Duras est devenue à son tour une figure stéréotypée que les créateurs de tous ordres déclinent à l’envi, de plus en plus souvent sans en connaître l’origine ; il suffit de songer au nombre incalculable de variations, dans tous les domaines (littérature générale ou littérature spécialisée, spectacles, publicité, etc.), sur le titre Hiroshima mon amour. Ce sont les allers-retours entre l’influence de la culture populaire au sein de l’œuvre durassienne et la récupération de cette œuvre ou de son auteur par la culture populaire que cette publication, qui fait suite à la journée d’étude « Marguerite Duras et la culture populaire » (Université de Lille, 8 octobre 2022), entend donner corps et sens. Les articles qui composeront le volume pourront aussi bien consister en des études de cas qu’en des analyses plus transversales. Toutes les dimensions de la culture populaire et tous les volets de la carrière de Marguerite Duras seront pris en considération.

Les propositions (une centaine de mots) doivent être envoyées conjointement à Florence de Chalonge (florence.dechalonge@gmail.com) et à Christophe Meurée (christophe.meuree@aml-cfwb.be) pour le 30 novembre 2023 (une réponse sera envoyée aux auteurs au terme de six semaines environ). La tombée des textes (avant expertise) est fixée au 15 juillet 2024 ; les textes devront totaliser entre 30 et 35 000 caractères, espaces comprises (les consignes de rédaction parviendront aux auteurs dont la proposition a été acceptée). Le volume paraîtra aux Éditions de l’Université de Bruxelles fin 2025.

Journée d’étude annuelle Marguerite Duras

"Marguerite Duras et la culture populaire"

Vendredi 7 octobre 2022

Université de Lille (ALITHILA) 

Société internationale Marguerite-Duras

Université de Lille

Maison de la recherche

3 rue du Barreau 59653 Villeneuve d’Ascq

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     Gagner l’estime des élites intellectuelles et être lu par le plus grand nombre, rares sont les écrivains qui ont osé tenir ce pari sans s’y brûler les ailes. Si Marguerite Duras a longtemps souffert d’une réputation ambiguë, ce n’était pas sans lien avec cette ambition. Pourtant, dans le monde hypermédiatique qui est le nôtre, plus de 25 ans après la disparition de l’autrice, l’on peut se demander si elle n’a pas joué un rôle de précurseur, en assumant les influences populaires et en consentant à entrer de plain-pied dans la culture de masse, bâtissant au fil du temps un personnage public qui a, le succès croissant, fait grincer de plus en plus de dents.

    Faisant fi des bienséances prêtées au métier d’écrire, Duras a tenu chronique dans l’émission de télévision Dim dam dom dans les années 1960, s’est rendue dans des usines pour lire des poèmes d’Henri Michaux à des ouvriers, s’est plu à interroger des enfants sur toutes sortes de sujets, a pris part à de grands débats de société (l’affaire Villemin entre autres) : tout semble prétexte à briser les cloisons qui opposent traditionnellement culture d’élite et culture populaire. L’auteur d’Outside et de L’Été 80 n’a dénigré ni la presse à grand tirage, ni le cinéma, ni la télévision, ni la chanson populaire, ni même la publicité ; ses textes et ses films affichent une imprégnation par toutes sortes de genres considérés comme mineurs : le conte de fées, la bande dessinée, la littérature sentimentale, etc. Touche-à-tout, Duras faisait œuvre de tout matériau, à travers des supports de grande diffusion, qui ne correspondaient pourtant pas, à l’époque, aux prescrits de l’art noble qu’est la littérature. 

     Il ne faut dès lors pas s’étonner si sa personne et son œuvre sont, depuis une quarantaine d’années, le sujet de nombreuses récupérations dans la culture populaire. À l’instar de Rimbaud, Duras est devenue une icône : si le merchandising durassien n’est pas aussi développé que celui de l’auteur d’Une saison en enfer, le personnage n’en occupe pas moins une place de premier plan dans l’imaginaire populaire, du timbre-poste jusqu’à l’argument touristique au Vietnam et au Cambodge ; Duras est devenue une figure stéréotypée que les créateurs de tous ordres déclinent à l’envi, de plus en plus souvent sans en connaître l’origine (il suffit de songer au nombre incalculable de variations, dans tous les domaines, sur le titre Hiroshima mon amour). En plus de figurer comme personnage dans quelques livres ou films, Duras se voit consacrer des spectacles entiers (Le Duras Show de Steeve Dumais et Lucas Joly en 2011 ou, en 2018, Marguerite Duras d’Isabelle Gyselinx, sans compter les mises en scènes de ses entretiens, avec Mitterrand ou avec Platini en particulier). Les créations les plus diverses convoquent son univers, son image ou sa voix : le tag, le one-man-show, le dessin animé, la chanson… jusqu’au jeu vidéo (Bientôt l’été, 2013), fait rarissime pour un écrivain.

     La journée d’étude veillera par conséquent à explorer ces deux versants du rapport de Duras à la culture populaire, séparément ou conjointement, selon les études de cas proposées. Les communications pourront également proposer une visée plus théorique, en s’interrogeant sur la façon dont le personnage médiatique s’est bâti au fil du temps ou encore sur ce que la culture populaire représente dans cette œuvre : une source d’inspiration, une référence partagée, un filtre, etc.

Pour consulter le programme, téléchargez-le ci-dessous :

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Ce colloque entend s’inscrire dans le sillon tracé par l’ouvrage de Françoise Barbé-Petit (Marguerite Duras au risque de la philosophie, Kimé, 2010), d’une part, ainsi que dans ceux ouverts par les colloques de Göteborg (2007), sur Duras et la pensée contemporaine, et de Tokyo sur Duras et la politique après la guerre (Rikkyo, 2016). Cependant, il espère faire surgir de nouvelles pistes concernant les interactions entre la pensée durassienne, la philosophie et le politique.

En effet, tout n’a pas été dit – loin s’en faut – sur les rapports qu’entretient Duras avec la pensée spéculative et le politique. Bien qu’elle ait souvent affirmé qu’elle détestait la réflexion théorique, elle n’a pourtant pas manqué d’y faire appel lorsque la situation, notamment politique, l’exigeait. Néanmoins, cette pensée s’articulait aux exigences éthiques de ses propositions esthétiques formulées par l’écriture – qu’il s’agisse de la syntaxe scripturaire ou cinématographique –, et jamais selon un parti pris idéologique ou dogmatique. Ce qui a pu donner, parfois, au discours durassien l’apparence d’une cacophonie parfaitement contradictoire.

Il s’agit, cependant, d’une apparence toute superficielle, qui disparaît sitôt que l’on creuse davantage les positions esthétique et éthique défendues par l’auteure. Ainsi, par exemple, clamant dans Le Camion que «Marx, c’est fini», Duras n’en finissait cependant pas de défendre un certain «communisme de pensée», qu’elle ré-élaborait sans fin; ce que Blanchot n’avait pas manqué de pointer dans sa « Communauté inavouable »  (Minuit, 1984).

Ce colloque souhaite donc creuser davantage encore les différentes strates de la pensée durassienne dans ses interactions avec la critique de la raison. Prise en son sens philosophique le plus large possible, celle-ci inclut donc les questions du religieux et du métaphysique. On se rappellera, ici, entre autres, la passion de Duras pour les textes pascaliens.

On aimerait, particulièrement, que la “pensée-Duras” soit, à cette occasion, analysée à l’aune du politique qui a nourri toute son œuvre, qu’il s’agisse de l’œuvre écrite comme cinématographique – à ce sujet, il est intéressant de relever que ses propos sur le ou la politique sont toujours les plus explicites, et parfois virulents, dans le cadre de ses travaux sur le cinéma (on a déjà cité Le Camion, mais Nathalie Granger, Aurélia Steiner, Les Mains négatives, Les Enfants, ou encore son ouvrage Les Yeux verts, ses entretiens avec Dominique Noguez, ou le scénario de Hiroshima mon amour, sont parmi les œuvres dans lesquelles le politique tient sans doute le plus de place). Dès lors, pour ce faire, toutes les entrées dans l’œuvre, tous les modes d’analyse sont les bienvenus.

Ainsi, les études synchroniques comme diachroniques seront appréciées, afin que les différentes interventions faites lors du colloque permettent de restituer, in fine, aussi bien les positionnements ponctuels – engagement dans la résistance, contre la guerre en Algérie, pour l’insurrection de mai 68, pour la légalisation de l’avortement – que les engagements dans la durée de la part de l’écrivaine.

De même, il sera intéressant d’interroger ses silences sur certains événements historiques qui l’ont certainement touchée de près. On peut penser, par exemple, à la guerre d’indépendance du Vietnam.

Enfin, on pourra, à cette occasion, analyser l’importance des enjeux du féminisme et des questions liées à l’homosexualité dans l’évolution de sa pensée, parfois au risque d’un reniement éthique dans ce dernier cas.

Merci d’adresser vos propositions de communication (d’une durée de 20 minutes) en 200-300 mots, et accompagnées d’une notice biobibliographie à Olivier Ammour-Mayeur :

olammour@hotmail.com, avant le 15 février 2018 / Réponses : 30 avril 2018

Langue du colloque : français.

Journée d’étude annuelle Marguerite Duras

"Duras féministe ? Lire et relire Duras aujourd'hui"

Vendredi 8 décembre 2023

Université de Lille (ALITHILA) - Maison de la recherche

Société internationale Marguerite-Duras

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         « Je ne suis pas “féministe”. Je ne crois pas au féminisme. Je crois que le seul féminisme valable, il n’est pas militant. C’est de laisser les femmes à elles-mêmes, libres », déclarait Marguerite Duras lors d’un entretien avec Susan D. Cohen en 1973. Pour autant, Marguerite Duras ne s’est pas tenue à l’écart de la lutte des femmes et de la pensée féministe qui animent le débat politique et social des années 1970. En témoignent les entretiens réalisés avec Xavière Gauthier en 1973, qui donneront lieu à la publication des Parleuses en 1974, mais aussi ceux accordés à Suzanne Horer en 1973 ou à Susan Husserl Kapit en 1975, ainsi que les textes qu’elle propose à Xavière Gauthier pour sa revue Sorcières, dont le titre lui est inspiré par la lecture de Michelet. On peut rappeler également qu’elle avait apposé son nom en 1971 au bas du « manifeste des 343 » qui réclamait la dépénalisation de l’avortement. 

        Au-delà de ce seul contexte historique et idéologique propre aux années 1970, qui donna lieu à la réalisation de son film Nathalie Granger, tourné en 1972 et publié en 1973, dont le titre initial était « Nathalie Granger ou la maison des femmes », Marguerite Duras s’est attachée dans nombre de ses œuvres à explorer « les territoires du féminin », selon le titre de l’essai de Marcelle Marini, et à écrire depuis ce lieu, « avec une grammaire au féminin » qui trouble le rapport des genres (Calle-Gruber, Dictionnaire Marguerite Duras, 2020).

        Le féminisme de Marguerite Duras ne va pas de soi, comme l’ont montré un certain nombre de travaux critiques (Blot-Labarrère, 1992 ; Ahlstedt, 2008), et comme l’a rappelé à plusieurs reprises Xavière Gauthier elle-même (1980, 2005). Les œuvres des années 1980 en brouillent encore davantage la lecture. Sans doute peut-on dire aussi avec Simona Crippa que par bien des aspects le féminisme de Duras « excède le féminisme » (Dictionnaire Marguerite Duras). Et cependant l’on ne peut dénier l’inscription de la figure de Duras dans une histoire du féminisme (comme en atteste par exemple sa présence dans le récent Dictionnaire des féministes publié en 2017), ou plus exactement des féminismes, qui court depuis le XVIIIe siècle jusqu’à la période post #MeToo où l’on voit revenir avec force les figures de « parleuses » et de sorcières (Piette, 2022). 

        Cette journée d’étude propose donc d’examiner quelle présence peuvent avoir le discours, la figure et l’œuvre de l’écrivaine au sein de la pensée contemporaine du féminisme et des débats qui l’accompagnent, mais aussi de mesurer les dialogues qui se nouent avec les écritures littéraires au féminin/du féminin d’aujourd’hui. 

       Différents axes d’étude pourront être envisagés, sans exclusivité :

 

  • Faut-il relire certaines œuvres de l’auteur par le prisme des questions féministes ?

  • Alors que la figure de Duras a occupé une place majeure dans les études anglo-américaines du French Feminism de la fin du XXe siècle au début des années 2000, sous l’impulsion notamment des Gender Studies, quelle place trouve-t-elle aujourd’hui dans ce que l’on dénomme la « troisième vague du féminisme » ? Le lien peut-il encore être celui d’une filiation ou appelle-t-il à une posture résolument critique ? 

  • Quelles relectures possibles du féminisme de Duras à l’aune des féminismes actuels ?

  • La question souvent approchée par Duras de la singularité d’une écriture au féminin (au cœur des débats des années 1970), ou d’une parole féminine, trouve-t-elle un écho auprès des écrivaines d’aujourd’hui ?

  • Certaines œuvres de la littérature contemporaine continuent-elles de s’inscrire, implicitement ou explicitement, dans une exploration des territoires « du féminin » ? 

Vous pouvez consulter le programme de la journée en cliquant sur la photo à droite : 

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Violence(s) chez Marguerite Duras

Colloque de Glasgow (13 et 14 juin 2022)

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     De la représentation des violences familiales (La Vie Tranquille (1944), Un barrage contre le Pacifique (1950), Dix heures et demi du soir en été, L’Amant (1984)) aux faits divers qui ont nourri son écriture (« Nadine d’Orange », « Sublime, forcément Sublime, Christine V. » (1985)), en passant par la question éthique de la violence de certains de ses textes : Abahn Sabana David (1970), La Douleur (1985), dans lesquels la question de la torture est interrogée à travers le prisme de la fiction ; ou même certaines formes de violence institutionnalisées (politiques) mises à la question : « Les fleurs de l’arabe » (1957), « Racisme à Paris » (1958), Hiroshima mon amour (1959) qui pointent chacun à leur façon la question du racisme latent des pays Occidentaux – et de la France en particulier –, Marguerite Duras n’a cessé de mettre en scène et d’interroger tous les aspects de la violence qui existent et sapent l’esprit d’un certain « vivre ensemble ». Ce n’est ainsi pas pour rien si la vieille femme du Camion (1977) répète, au long de son dialogue avec le camionneur, « que le monde aille à sa perte, c’est la seule solution ». 

      Dans une même perspective, comment prend corps la violence non verbale dans l’écriture durassienne ? Ainsi, comment analyser les silences et refus mutiques qu’opposent les enfants et adolescents à la parole adulte ; qu’il s’agisse de l’enfant de Moderato Cantabile (1958), d’Ernesto de Ah ! Ernesto (1971) et Les Enfants (1985), ou encore Nathalie dans Nathalie Granger (1972), pour ne citer que quelques exemples. 

On ne peut oublier, par ailleurs, la part érotique que Duras a parfois conférée à la violence sexuelle au sein du couple (Moderato Cantabile, L’homme assis dans le couloir (1980), La Maladie de la mort (1982), La Pute de la côte normande (1986)) qui a non moins nourri sa pratique créatrice. Parfois au désarroi des mouvements féministes qui y voyaient une forme d’apologie des violences sexistes et genrées.

La poétique durassienne (récit/théâtre/cinéma) pose, de même, les questions suivantes : Faut-il nécessairement être violent pour repenser les utopies politiques, repenser et réinventer la société ? De même, quelle place prend le lien esthétique/poétique dans cet ensemble ? La violence de l’écrit peut rendre solitaire, isoler mais aussi mettre à nu, dévoiler la violence de cet écrit impossible qui permet de sonder l’indicible, mais peut mener à la folie. 

Et dans une même lignée, quel est le rôle de l’artiste dans cette façon de faire violence au texte et à l’image ? Duras ayant travaillé à la destruction des codes et des genres. Du fait même que l’esthétique se trouve ainsi au cœur du projet durassien, ce colloque n’entend donc pas traiter la violence du seul point de vue « thématique », mais bien aussi poétique, stylistique et esthétique.

Cependant, l’œuvre protéiforme et aux ambivalences non négligeables de Duras n’est rien moins que simpliste lorsque l’on aborde ces questions depuis ses textes/films. Les enjeux politiques, philosophiques et éthiques s’y trouvent systématiquement relancés à nouveaux frais, même lorsque l’auteur semble revenir sur ses propres traces et réécrit un texte antérieur sous une autre forme (Les Viaducs de la Seine-et-Oise (1959), et L’Amante Anglaise (1969) en sont un des exemples les plus évidents).

Le colloque de Glasgow qui se tiendra les lundi 13 et mardi 14 juin 2022, se propose ainsi d’interroger l’ensemble de ces facettes de la violence, telles qu’elles sont représentées et interrogées dans l’œuvre de Marguerite Duras. Les approches transdisciplinaires sont les bienvenues et les études pourront porter sur toute l’œuvre : littéraire comme filmique ou scénique.

En partenariat avec la Société Internationale Marguerite Duras (SIMD)

Comité d’organisation
Ramona Fotiade (University of Glasgow)
Lucy McCormick (University of Glasgow)
Olivier Ammour-Mayeur (International Christian University - Tokyo)


Comité scientifique
Olivier Ammour-Mayeur (ICU, SIMD)
Michel David (Société des Gens de Lettres)
Stephen Forcer (U. Glasgow)
Ramona Fotiade (U. Glasgow)
Christophe Meurée (Archives & Musée de la Littérature, Bruxelles, SIMD)
Michelle Royer (U. Sydney, SIMD)
Olivier Salazar-Ferrer (U. Glasgow)
Vincent Tasselli (U. Côte d’Azur, SIMD)



Programme à télécharger en cliquant sur le pdf ci-joint 


Violence(s) in Marguerite Duras

Marguerite Duras has continually represented and explored aspects of violence which quash our sense of togetherness, whether by means of her representation of domestic violence (La Vie Tranquille (1944); Un barrage contre le Pacifique (1950); Dix heures et demi du soir en été (1960); L’Amant (1984)) or through the contemporary news items which informed her writing ("Nadine d’Orange" (1980); "Sublime, forcément Sublime, Christine V." (1985)). We also see the ethical question of violence raised in certain of her texts in which torture is addressed through the prism of fiction (Abahn Sabana David (1970), La Douleur (1985)), as well as the exploration of certain forms of institutional violence which deal, in their own ways, with the issue of latent racism in the West and in France in particular ("Les fleurs de l’arabe" (1957); "Racisme à Paris"  (1958); Hiroshima mon amour (1959)). It is not for nothing, then, that the old woman of Le Camion (1977) repeats, over and over in her dialogue with the lorry driver, ‘let the world go to ruin, it’s the only solution’

In the same vein, how does the representation of verbal violence take shape in Duras’ work? How should we analyse the silences and silent refusals with which children and teenagers respond to adult speech, whether in the case of – to cite but a few examples – the child in Moderato Cantabile (1958), Ernesto in both Ah ! Ernesto (1971) and Les Enfants (1985), or of Nathalie in Nathalie Granger (1972).

The eroticism that Duras has, at times, conferred upon sexual violence within relationships, and which has influenced her creative practice to no lesser an extent, must also not be overlooked (Moderato Cantabile, L’homme assis dans le couloir (1980), La Maladie de la mort (1982), La Pute de la côte Normande (1986)). This, of course, to the dismay of feminist movements who have seen in such representations a form of apologism for sexist and gender-based violence.

Durassian poetics, whether narrative, theatrical or cinematic, also poses the following questions: firstly, is violence necessary to the rethinking of utopian politics; to the rethinking and reinvention of society? Secondly, how is aesthetics/poetics brought into play in such a rethinking? The violence of writing can bring about loneliness; can isolate yet also reveal: the violence of such impossible writing allows the unsayable to be said, but can incite madness.

Along similar lines, and thinking of the fact that Duras worked to destroy both code and genre, what is the role of the artist when it comes to this practice of doing violence to text and image? Since aesthetics is at the very heart of the Durassian project, this conference does not propose to engage with violence solely from the ‘thematic’ perspective, but also the poetic, the stylistic and the aesthetic.

Nevertheless, Duras’ protean body of work, with its considerable ambivalence, appears nothing less than simplistic next to the treatment of these questions in her writing. Political, philosophical and ethical issues find themselves systematically re-examined anew, even when the author may seem to backtrack; to rewrite an old text in a new form (as may clearly be observed in Les Viaducs de la Seine-et-Oise (1959), et L’Amante Anglaise (1969)).

This Glasgow conference (Monday, 13th and Tuesday, 14th, June 2022) proposes, then, to interrogate the diverse faces of violence represented in the work of Marguerite Duras. Interdisciplinary approaches are welcomed, and papers may address all aspects of Duras’ work, whether literary, cinematic or theatrical.

In conjunction with the International Marguerite Duras Society (SIMD)

Organising Committee 
Ramona Fotiade (University of Glasgow)
Lucy McCormick (University of Glasgow)
Olivier Ammour-Mayeur (International Christian University)

Scientific Committee
Olivier Ammour-Mayeur (ICU, SIMD)
Michel David (Société des Gens de Lettres)
Stephen Forcer (U. Glasgow)
Ramona Fotiade (U. Glasgow)
Christophe Meurée (Archives & Musée de la Littérature, Bruxelles, SIMD)
Michelle Royer (U. Sydney, SIMD)
Olivier Salazar-Ferrer (U. Glasgow)
Vincent Tasselli (U. Côte d’Azur, SIMD)
 

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